Paysages Humains

Paysages Humains

La tentative peut paraître osée, voire scandaleuse pour certains, j’ai tenté au cours de mes recherches photographiques de porter sur le corps humain le regard que Saint François, mon patron, porte sur toute créature de Dieu. Rechercher la beauté dans le moindre recoin de l’Etre, là même où la créature se sent laide, pécheresse et indigne. Le passage par les rides, plis et autres bourrelets où le temps et les excès marquent leurs sillons, est obligé. Le sexe aussi manifeste de l’investissement des corps et des relations pour la survie de l’espèce. Je m’en suis approché très près son parfum et son odeur se mêle au déclic du boîtier. Les photos sont prises dans le corps à corps certes pas du combat mais d’une promiscuité négociée faisant parfois office d’approche d’un chasseur de montagne vers sa proie. De cette chasse, personne ne sort indemne ni indifférent, c’est toujours une rencontre où la profondeur s’impose, une intimité provoquée par l’exhibition de ce qui est habituellement caché. Le corps du modèle, la fascination du photographe deviennent vite un enchaînement incontrôlable. Là, dans la confrontation des rêves, des fantasmes, des secrets remis brutalement au présent et fixés par l’image ; l’horreur, le dégoût mais aussi la beauté, vont se bousculer et rejoindre une simplicité qui nous fixe à notre humanité.

Le corps pris comme un parcours, un territoire visité où le regard se laisse aller au creux des courbes, se glisser dans les fentes et failles. Vues insolites et imprévues qui force à se laisser surprendre pour nous forcer à reconsidérer le réel. Il existe une intimité des choses, quand la relation implique la proximité, cela se vit dans le bureau où l’on travaille comme dans le métro, sorte de lit commun et quotidien qui nous réunit et nous frotte de force. Durant ce cheminement d’observation, j’ai été touché par l’architecture des corps, les structures fondamentales du schéma corporel qui font de chaque être humain une créature unique.

Les personnes que j’ai photographiées, quand ce ne sont pas des amis, sont, rencontrées dans des lieux publics ou des transports au cours de mes voyages de par le monde. Il y a un émerveillement à rencontrer quelqu’un de vêtu et apprêté et d’espérer que quelques instants plus tard, ce corps sera nu, offert à l’objectif.

J’aime les rencontres authentiques, les corps saisis sans complaisance qui représentent l’irreprésentable de la vie. Le corps est l’élément le plus lisible de la vie, c’est là qu’elle prend corps ! Alors les corps habités laissent voir leur beauté, ils n’ont besoin ni d’apprêt, ni de complaisance, l’idéalisation les désincarne, la permission de voir, de regarder, de faire trace les inscrit à tout jamais dans l’histoire de l’humanité.

Ne vous laissez pas choquer de reconnaître les portes d’entrées convoitées des terriers du plaisir, il ne s’agit pas de pornographie mais de l’origine du monde, du passage obligé de la vie, chargé du désir et de l’instinct.

Aucune mise en scène n’est mise en place au cours de la rencontre, un simple projecteur halogène, des émulsions ultra-sensibles poussées à l’extrême dans une chambre de bonnes sous les toits de Paris, une chambre d’hôtel, parfois aussi chez le modèle rencontré, qui n’hésite pas à vous entraîner dans son antre. Prendre des photos est plus important que la sophistication du cadre de prise de vue.


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