Identités avec Masque

Identité avec masque 1996.

Ce projet est né dans une période de transition et de remise en cause. Nulle doute que ce qui se passait en moi y avait une large part. Un divorce après 30 ans de mariage, le choix pour la partie adverse d’employer les moyens les plus infamants et les plus mensongers, la mise à l’écart pendant la procédure de l’époux du domicile dont il est le propriétaire, l’obligeant à se reloger à l’improviste alors que la conjointe sous-loue le domicile conjugal et impose toutes les charges finacières pour l’exclu. Le mélange de colère, la disqualification des valeurs fondatrices d’un couple ajouté au nomadisme imposé m’ont incité à ce projet où chacun pourrait se montrer tel qu’il est : nu avec la possibilité de mettre en scène sous le couvert de l’anonymat ce qu’il voudrait être ou comment il s’autorise à se présenter. Les candidats ont été recrutés par une petite annonce dans le magasine FUSAC (France USA contact) proposant de venir poser nu avec un masque que chacun se dessinerait. Une trentaine de personnes ont répondu principalement des hommes, une seule femme a pris rendez-vous mais ne s’est pas présentée. J’avais installé mon studio dans un appartement de Passy que des amis m’avaient gentiment prêté au pied levé quand le juge m’a demandé de quitter le domicile conjugal. Ce lieu avait appartenu à une vieille dame qui était partie en maison de retraite, les tableaux avaient laissé des traces de crasse sur la tapisserie l’emplacement des meubles marquait la moquette, l’espace était vide, je n’y avais apporté que 3 chaises un lit et une table. Quand un candidat se présentait, je lui proposait de se mettre nu et de commencer à composer son masque au moyen d’un sac en papier kraft sur lequel il pouvait dessiner avec des crayons de couleur et faire des découpes dans le sac. Ensuite ils se mettaient en scène dans l’espace, coiffés de leur masque et je le photographiais. Beaucoup parlaient de ce qu’ils tentaient d’exprimer corporellement cela tournait beaucoup autour de la solitude, de la difficulté à rencontrer des partenaires et souvent ils s’inquiétaient de savoir si leur « performance » me convenait. D’une manière générale, ils oubliaient très vite leur nudité pour ne la redécouvrir qu’au moment d’enlever le masque. Certains auraient voulu qu’on se revoie, mais aucun n’est revenu voir les clichés. Cette expérience est restée déroutante, elle montre qu’il existe toujours plein d’êtres solitaires qui sont en quête d’une reconnaissance. Pour ma part dans cette période de fragilité, j’y ai découvert l’ambivalence et un certain trouble à voir des personnes sans visages exprimer leurs fantasmes et à les photographier alors que souvent ils ne me voyaient pas. Je n’ai pas renouvelé ce genre d’expérience.


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