Françoise Retel

De Françoise à François, un grillage nous rapproche

Le paradoxe consiste à utiliser ce qui sert à enfermer, clôturer, limiter l’espace pour exprimer l’ouverture du dedans vers l’extérieur. Le grillage ne marque plus la limite interdite, il s’empare de l’invisible pour le rendre perceptible. Comme les pièges à nuages qui cueillent l’eau des brumes marines du Pacifique, l’œuvre de Françoise Retel nous saisit alors que l’on ne s’y attend pas comme un tamis tendu pour l’imaginaire. Elle vous fait habiter l’espace intérieur de ses personnages qu’elle a vêtu d’une peau faite de déchirures, comme autant de blessures intimes infligées à l’épreuve d’une incertaine loyauté. Le grillage ne dit pas tout, il garde l’indicible dans ses mailles que nous avons à compléter par notre engagement du regard à en faire un vide fécond et habité, une sorte de niche sacrée réservée au souffle d’un Dieu inconscient mais omniprésent. Il impose de trouver un sens à la vie, fut-elle emplie de guerres ou d’horreurs ordinaires. Loin d’être emprisonnés dans ces corps, la trahison, la fuite, la séparation est toujours possible, elle sera subie sans détour, confiante que la vie gagne comme la respiration du vent qui souffle où il veut. Françoise nous contraint à vivre l’essence de notre choix, à nous dépouiller du futile pour entrer dans une chaste nudité qu’elle habillera de lambeaux qui ne sont autres que nos épreuves surmontées. Nous sommes des acrobates dont la chute est suspendue par une incessante attraction céleste ; ce qui devrait nous séparer nous rapproche, ce qui devrait nous détruire nous élève pourvu que l’on échappe à l’opaque et qu’on rentre dans la transparence. C’est une quête de reconnaissance, un appel à venir au contact pour qu’enfin la rencontre se fasse et que cesse ce rendez-vous manqué où l’amour ne serait qu’un ensemble de malentendus. Chacun sentira quelle rencontre le concerne intimement : est-ce lui-même, les retrouvailles avec le Père, l’ami, l’amant ? Une réponse semble s’imposer, des retrouvailles existent quand le regard du spectateur rencontre le don fait par l’artiste, alors la beauté est une surprise qui surgit de surcroît. Tout est imprévisible, la vie qui vient, la grossesse, le départ, les retrouvailles, décidément il souffle vraiment où il veut !

F. P-C. Le 26/04/08

1 sculpture de Françoise Retel dans ma collection.


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