Sans dessous dessus…

Prise de vue de corps par en dessous

Sans dessous dessus…

Qui ne pense pas à la mort ? Les photographes peut-être plus que d’autres sont concernés par cette éventualité si certaine ! Nous avons tous vu ces autocars de japonais qui photographient tout ce qui passe devant leurs objectifs plutôt que de vivre l’instant et de regarder sereinement le paysage. Combien de fois, j’ai découvert sur mes clichés des éléments que mon regard n’avait pas saisi à l’instant du déclic. La photographie me dit aussi comment je regarde c’est-à-dire ce que je cherche et ce que je tente de garder. Cette peur de perdre une image fugitive qui se transforme comme la vie qui passe et cette mort au bout du chemin où la vision oculaire sera une absence certaine génère les fantasmes. Que verra le photographe enterré du monde qui passe et grouille au-dessus de sa tête ? Imaginez la vision, si votre sépulture se situe sous le trottoir devant les Galeries Lafayette, ou dans la salle des pas perdus d’une gare ! quand serait-il, si comme un ange votre dernière demeure est aux cieux avec une vue plongeante sur tout ce qui est en bas ! Mais pour un photographe qui scrute l’authenticité des corps humains les dessous, ce sont ces sous-vêtements qui laissent des traces sur le corps pour mieux montrer qu’ils les contraignent et occulte leur respiration. Pour photographier la beauté intérieure des corps il faut être sans dessous dessus. Le point de vue de mettre l’objectif là où le pied se pose et de regarder vers le haut s’est imposé comme pour concrétiser ce devenir d’un photographe un jour enterré. Paradoxalement on en voit beaucoup plus d’en dessous qu’à l’horizontale, du moins pour ce qui est habituellement caché. On a une vision complète du corps avec ses humeurs, parfois ses sécrétions fruit du secret désir. La plante des pieds est pour le zodiac le siège des poissons reliés par leur nombril par un cordon alors qu’ils nagent dans des directions opposées. C’est par excellence un lieu de paradoxe. La plante du pied comme pour les poissons est en contact avec la surface ce qui est en dessous caché du regard. Ce n’est pas pour rien que la racine de poisson définit ce qui est inconscient, l’essence même du psychique. Là, se manifeste tout d’un coup une cohérence entre ces personnes que je photographie, elles viennent à moi de leur propre désirs pour me montrer une part d’elles-mêmes habituellement cachée du regard. Donner à voir son secret dans un élan volontaire et gratuit car aucun de mes modèles ne sont rémunérés et que de surcroît l’essentiel des photographies reste anonyme. Si je les regarde sans dessous dessus c’est bien que j’aime à les voir ainsi, mais le jeu est complémentaire, je ne cesse de m’émerveiller de cette quête qui pousse tous ceux qui viennent se faire photographier, ma compassion va à ceux que je ne peux satisfaire tant les candidats sont multiples. Certains veulent montrer le dehors, l’enveloppe se sentir beaux et désirables d’autres apportent le dedans, leur espace intérieur comme les femmes enceintes qui montrent ce bébé pas encore sorti ou tous ces incertains qui montre ce que la nature a mis au croisement de leur jambes et avec lequel ils ne s’identifient pas à l’intérieur. Ce que l’on a au bas du ventre que l’on cache et cherche tant à montrer n’est pas suffisant pour faire un homme ou une femme, il est besoin des autres, de leur regard et de leur reconnaissance pour confirmer cette incertaine identité. Pour le moment il a été plus aisé pour moi de faire évoluer mes modèles au-dessus de ma tête en les faisant enjamber des tabourets pour imaginer ma vision post mortem. S’il advenait que Saint Pierre me garde une place au ciel ; je vous le promets, tel Nicolas Hulot caressant la savane de son aile volante je vais trouver moyen de les saisir d’en haut pour une prochaine galerie.


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